Article : La thérapie de couple est-elle efficace ?
Auteure: Anik Ferron
J’exerce la thérapie conjugale depuis plus de 18 années et dans le cadre de cette chronique, j’aimerais partager mon avis sur les croyances gravitant autour des attentes face à la thérapie de couple. Il n’est pas rare que les gens arrivent à mon bureau en exprimant que la thérapie est un peu le dernier recours. Certains ont la croyance que celle-ci pourrait même sauver leur couple.
Derrière cette croyance cohabite l’espoir, mais aussi une peur de prendre conscience qu’un ou les deux partenaires ne souhaitent plus avancer ensemble ou dans la même direction. Même si l’efficacité de la thérapie conjugale est déjà bien établie (Shadish et Baldwin, 2003), il est important de clarifier le mandat de la thérapie. Par exemple, est-ce que le couple souhaite améliorer la relation, résoudre une ambivalence quant au désir de la poursuivre ou non, ou bien il souhaite se séparer (Tremblay et al, 2008). Enfin, il n’en demeure pas moins qu’au-delà du mandat, des éléments centraux doivent être considérés lors du processus thérapeutique.
L’engagement émotionnel des deux partenaires
Il est important, lors d’une demande d’aide en thérapie conjugale, que les deux partenaires soient présents et investis dans la démarche de consultation de couple. Si l’un des deux souhaite plus ou moins y être, il y aura tôt ou tard une entrave dans le processus thérapeutique. Par ailleurs, comme thérapeute, il devient pertinent d’explorer cette ambivalence à l’égard de la thérapie (malaise à consulter, peur de réaliser que l’un des partenaires ne souhaite plus poursuivre, ou même de croire que la thérapie c’est pour les autres et qu’ils peuvent s’en sortir sans cela, etc.). Enfin, est-ce que le partenaire se présente uniquement pour faire plaisir à l’autre ? Est-ce que le partenaire qui n’est pas engagé dans le processus observe l’impact des difficultés conjugales sur la qualité de sa relation ? Est-ce qu’il a déjà eu l’idée de mettre un terme à sa relation ? Ce sont toutes des questions qui peuvent être explorées afin de démystifier cette ambivalence.
Il arrive aussi qu’un des deux partenaires arrive désengagés à la suite d’un problème ou une crise qui a provoqué une « blessure » quant au lien d’attachement, par exemple une infidélité. Or, il est tout à fait normal d’arriver en thérapie avec une certaine méfiance et du détachement. Au fil des séances, on peut observer un désir de réengagement si la blessure est abordée et qu’un processus de pardon est amorcé (voir ma chronique sur l’infidélité). Même si les études démontrent que la thérapie conjugale est efficace dans le cas d’infidélité (Marin et al., 2014), il n’en demeure pas moins que plusieurs couples décident de mettre un terme à la relation.
Enfin, comme thérapeute, il est primordial de clarifier la qualité de cet engagement de la part de chacun des membres du couple. Les études montrent aussi que la capacité du couple à s’unir avec l’intervenant afin de former une alliance basée sur la collaboration est un élément clé du succès thérapeutique. Donc, imaginez-vous un instant consulter un thérapeute, sans avoir l’intérêt ni la motivation de le faire. Seriez-vous porté à vous censurer ? À tourner autour du pot ou peut-être même à annuler certaines séances ? En somme, il est très difficile de se révéler dans un contexte où l’on ne se sent pas en sécurité, et ce, que ce soit à la maison ou en thérapie.
Le moment où le couple choisit de consulter
Depuis quand le couple observe-t-il que ça va moins bien ? Un an, cinq ans, dix ans après l’arrivée des enfants, au moment de la retraite, à la suite d’un événement traumatique, etc. De plus, comment la dynamique conjugale a-t-elle évolué au fils de ces années : des critiques mutuelles, des reproches, du mépris, un détachement, etc. Bref, le couple arrive-t-il avec un niveau de détresse élevé ? Avec la présence simultanée de problèmes qui accompagnent les difficultés de couple (par exemple, anxiété, dépression, abus de substance, maladie chronique) ?
Plusieurs couples consultent au moment où ça va mal depuis tellement d’années et surtout avec l’espoir que la thérapie sauvera leur couple. L’observation que j’ai pu faire au fils de mes années de pratiques est la suivante : plus les couples consultent rapidement après l’apparition des problèmes, plus il y a de chance que la thérapie soit efficace, et ce, si les deux partenaires ont vraiment le désir de poursuivre ensemble.
Par rapport à la présence simultanée de problèmes que l’on nomme comorbidité, les études démontrent qu’il peut être indiqué de traiter le couple en présence de certaines autres problématiques, encore faut-il que le traitement soit bien adapté (Beach et Wishman, 2012). Les protocoles d’intervention ne sont pas les mêmes si l’on traite un abus de substance, de la violence conjugale ou une dépression. D’où l’importance que les thérapeutes conjugaux aient recourt à des formations rigoureuses pour le traitement des différentes problématiques de couples et de comorbidité associés.
Enfin, dans le cas où la dynamique du couple a créé trop de préjudice, la thérapie peut s’avérer utile et aidante pour aborder et concrétiser les étapes de séparation. Il se peut que la démarche permette de donner un sens à une rupture, et ce, même s’il n’y a pas un tel mandat en début de séance. Certains couples, même si cela s’avère extrêmement difficile, prennent conscience que le désir de poursuivre est trop douloureux ou que le sentiment amoureux n’est plus présent et ne pourra pas renaître. Or, la thérapie peut devenir un lieu sécurisant pour le couple afin d’échanger sur la compréhension de leur décision de se séparer. Et à partir de ce moment, le mandat de séparation est soulevé, permettant ainsi d’accompagner le couple dans ce processus et surtout que la séparation soit faite avec le plus de respect, d’équité et de compréhension possible, particulièrement lorsque des enfants sont impliqués (Côté, 2008).
Références
Beach, S. R. H., & Whisman, M. A. (2012). Affective disorders. Journal of Marital and Family Therapy, 38(1), 201–219. https://doi-org.biblioproxy.uqtr.ca/10.1111/j.1752-0606.2011.00243.x
Côté, G. (2008). La médiation familiale. Dans J.Wright, Y. Lussier et S.Sabourin (dir.), Manuel clinique des psychothérapies de couple (p.697-730). Québec : Presses de l’Univsersité du Québec.
Marín, R. A., Christensen, A., & Atkins, D. C. (2014). Infidelity and behavioral couple therapy: Relationship outcomes over 5 years following therapy. Couple and Family Psychology: Research and Practice, 3(1), 1–12. https://doi-org.biblioproxy.uqtr.ca/10.1037/cfp0000012
Shadish, W. R., & Baldwin, S. A. (2003). Meta-analysis of MFT interventions. Journal of Marital and Family Therapy, 29(4), 547–570. https://doi-org.biblioproxy.uqtr.ca/10.1111/j.1752-0606.2003.tb01694.x
Tremblay, N., Wright, J., Mamodhoussen, S., McDuff, P., & Côté, G. (2008). Correlates of attributions of causality and responsibility for couples in consultation for marital therapy. Canadian Journal of Behavioural Science, 40(3), 162–170. https://doi-org.biblioproxy.uqtr.ca/10.1037/0008-400X.40.3.162
Article: Reconstruire sa relation de couple après une infidélité…
Auteure: Anik Ferron
L’infidélité, qu’elle soit réelle ou virtuelle, peut prendre la forme de paroles, d’un flirt ou de gestes à caractère sexuel. Les études sur le sujet démontrent qu’un couple sur trois peut être confronté à un type ou un autre d’infidélité. Bien qu’une telle expérience puisse mener à une rupture, plusieurs couples décident également de se reconstruire à la suite d’une infidélité. Mais comment s’y prendre ?
Quelques statistiques
Le Laboratoire de psychologie du couple de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a mené une série d’études au cours des cinq dernières années auprès de femmes et d’hommes âgés entre 18 et 65 ans. À la question sur les gestes d’infidélité posés autant dans la vie réelle que par le biais d’Internet, les pourcentages sont assez similaires d’une étude à l’autre, variant de 24,7 % à 35,9 % pour le flirt en ligne (infidélité émotionnelle), 12,8 % à 22 % pour des gestes à caractère sexuel par le biais d’Internet, et de 10,4 % à 18,3 % pour l’infidélité en dehors d’Internet. Les chercheurs (Fincham et May, 2017; Wiederman, 2010) ont davantage documenté la prévalence de l’infidélité traditionnelle (en dehors d’Internet) et celle-ci est cohérente avec les études menées au Laboratoire de psychologie du couple.
L’infidélité est une expérience traumatisante pour plusieurs couples et il s’avère que les statistiques sont préoccupantes, particulièrement pour les thérapeutes qui doivent composer avec cette problématique (Gordon, Baucom et Snyder, 2005). Il est donc essentiel pour ces derniers de s’appuyer sur un cadre théorique pour être en mesure d’aider les couples à traverser cette crise.
Une blessure de couple
L’infidélité, qu’elle soit vécue émotionnellement ou sexuellement, sur Internet ou non, représente un sujet très délicat à aborder, parce qu’il confronte la personne à une dissonance importante entre ses valeurs (honnêteté, promesse, respect du conjoint, etc.) et ses comportements à l’égard de l’intimité et de l’engagement au sein de la relation. Pour la plupart des couples, l’infidélité représente une trahison (Cravens, Leckie et Whiting, 2013) qui peut mener à la dissolution de la relation (Amato et Previti, 2003). Et pourtant, d’un point de vue clinique, nombreux sont les couples qui, après une infidélité, tentent de se reconstruire. C’est sous cet angle que cette embûche sera traitée.
L’infidélité représente une blessure d’attachement importante au sein d’une relation conjugale, car elle menace la sécurité émotionnelle du couple. Ainsi, elle se doit d’être revisitée, si chacun le souhaite, afin de mieux comprendre ce qui a pu se passer et, ainsi, avoir la possibilité de rebâtir le lien de confiance entre les partenaires. Il s’agit d’un processus qui nécessite un fort engagement émotionnel des deux partenaires (introspection, acceptation, excuses et pardon), sans quoi la crise devient difficilement surmontable. Aussi, il arrive que même avec toutes les bonnes intentions de vouloir reconstruire, le couple choisisse de mettre un terme à la relation.
Brièvement, voici quelques phases clés que les couples sont amenés à explorer à la suite d’une infidélité.
Phase 1
La découverte de l’infidélité représente un choc important et les partenaires sont confrontés à des émotions très différentes. Le partenaire blessé vit de la colère, de la trahison, de l’humiliation, de la tristesse, etc., alors que celui qui a eu la liaison ressent de l’ambivalence, de la culpabilité, du dégoût, etc.
Au moment de cette crise, chacun peut se demander comment il sera possible de passer au travers de ce « tsunami » tellement la blessure est vive. Certains individus auront besoin d’espace et de temps pour absorber le choc et, ainsi, faire le point. Cette période nécessite toutefois la présence de personnes significatives pour traverser les moments plus sombres et, par le fait même, tenter de se reconstruire personnellement.
Phase 2
Durant cette phase, il est souhaitable d’échanger en posant des questions qui misent sur la signification des comportements d’infidélité pour chacun des partenaires. Voici quelques questions clés :
Qu’est-ce que cette liaison signifiait pour toi ?
Qu’as-tu découvert à propos de toi / de nous au travers cette liaison ?
Une fois découvert, que pensais-tu qu’il adviendrait de notre relation ?
C’était comment pour toi de garder ce secret ?
As-tu vu cette liaison comme un signe que quelque chose manquait entre nous ?
Pour quelles raisons es-tu revenu à moi ou à notre famille ?
Veux-tu vraiment poursuivre avec moi ?
Est-ce que nos attentes l’un envers l’autre étaient réalistes ?
Es-tu ouvert à d’autres questions, si celles-ci me permettent de mieux comprendre tes actions ?
De quoi as-tu besoin de moi ou de nous pour aller de l’avant ?
Ce processus est exigeant émotionnellement, car il expose chacun à être en contact avec sa vulnérabilité et celle de son partenaire. Dans cette phase, il est fortement suggéré de faire appel à un clinicien capable d’objectivité et de neutralité, afin de bien saisir et recadrer le vécu de chacun des conjoints, de les amener à verbaliser et à interagir de façon saine, et d’explorer les divers enjeux entourant la relation du couple ainsi que les besoins et attentes de chacun.
Phase 3
Retrouver la confiance et pardonner font aussi partie de ce processus. Si le couple choisit de rester ensemble, il doit maintenant composer avec cette trahison et intégrer cette douloureuse expérience à la relation afin de se reconstruire. Ce choix exige beaucoup de courage. L’empathie, l’humilité, l’engagement et les excuses sincères faciliteront aussi le pardon (Fife, Weeks et Stellberg-Filbert, 2013).
C’est le moment de se demander ce que chacun a besoin dans cette relation et ce qu’il souhaite vraiment changer : quelles actions les partenaires sont-ils prêts à prendre pour s’approcher de ce qui est vraiment important au sein de leur couple ?
En conclusion
La décision première pourrait être de vouloir mettre un terme à la relation tellement la souffrance est grande. Toutefois, les trois phases peuvent permettre au couple de réfléchir ensemble à la fonction de l’infidélité dans la relation (insatisfaction conjugale, insatisfaction sexuelle, sentiment de solitude, recherche d’identité, recherche d’intensité, la maladie, etc.).
Il n’en demeure pas moins que l’infidélité est vécue la plupart du temps comme un acte de trahison brisant ainsi le lien de confiance et les promesses d’engagement et de respect mutuels. La thérapie peut donc devenir un lieu sécurisant et impartial pour échanger sur les blessures vécues et aussi permettre au couple d’exprimer leurs besoins et leurs attentes de façon plus adaptée afin de reconstruire sur des bases plus solides.
Références
Amato, P. R., & Previti, D. (2003). People’s reasons for divorcing: Gender, social class, the life course, and adjustment. Journal of Family Issues, 24, 602-626. doi: 10.1177/0192513X03024005002
Cravens, J. D., Leckie, K. R., & Whiting, J. B. (2013). Facebook infidelity: When poking becomes problematic. Contemporary Family Therapy: An International Journal, 35, 74-90. doi: 10.1007/s10591-012-9231-5
Fife, S. T., Weeks, G. R., & Stellberg?Filbert, J. (2013). Facilitating forgiveness in the treatment of infidelity: An interpersonal model. Journal of Family Therapy, 35(4), 343-367.
Fincham, F. D., & May, R. W. (2017). Infidelity in romantic relationships. Current Opinion In Psychology, 1370-74. doi:10.1016/j.copsyc.2016.03.00
Gordon, K. C., Baucom, D. H., & Snyder, D. K. (2005). Treating Couples Recovering from Infidelity: An Integrative Approach. Journal of Clinical Psychology, 61(11), 1393-1405. doi:10.1002/jclp.20189
Michael W. Wiederman Ph.D. (2010) Extramarital sex: Prevalence and correlates in a national survey, The Journal of Sex Research, 34:2, 167-174, DOI: 10.1080/00224499709551881
Saint-Père, F. (2006). L’infidélité : Mythes, réalités et conseils pour y survivre. Montréal : Libre Expression.

Ressources pertinentes
Approche TCÉ-C: https://www.eftqc.com/fr/public
Centre universitaire service en psychologie https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/portail/gscw031?owa_no_site=3049
Approche sexocorporelle: https://sexocorporel.com/fr/quest-ce-que-le-sexocorporel/
L'attachement: https://cpa.ca/docs/File/Publications/FactSheets/attachement_La_psychologie_peut_vous_aider.pdf